Chronique – Une histoire d’hommes, Zep

Rue de sèvre, petit nouveau dans le royaume des éditeurs spécialisés BD, mais pas si nouveau que cela puisqu’issu de la célèbre maison L’école des loisirs, frappe fort pour son arrivée sur le marché. Il faut dire, qu’avec le monde qu’il y a aujourd’hui sur le secteur, il faut frappé un bon coup dés le départ, et cela aussi réputé son parrain soit-il !
C’est ainsi que le premier album publié est un album de Zep. Eh oui, le papa de Titeuf, on peut faire pire comme début (oui, on peut aussi faire plus risqué, je suis d’accord). Mais c’est un Zep à contre-pied que l’on nous a promis ici, dans une veine réaliste et intimiste avec un fond auto-biographique. Le genre d’histoire qui aurait très bien pu être signé Philippe Chappuis (de son vrai nom).
Je dois dire ici que ce n’est pas mon amour pour Titeuf qui m’a poussé à la lecture d’Une histoire d’hommes mais bien au contraire la promesse d’un Zep nouveau.

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L’album nous raconte les retrouvailles, une vingtaine d’années plus tard, des 4 membres d’un ancien groupe de rock dont seul le chanteur à fait carrière, et quelle carrière. L’occasion pour eux de revenir sur cette époque révolue, pleine d’insouciance et de liberté, de se remémorer, au cœur de la campagne anglaise, les bons souvenirs de ces années perdues. Mais le moment aussi de se rappeler le pire, et de se libérer peut-être, du poids des non-dits, des culpabilités et de celui des rancœurs destructrices.

Ainsi Zep prend le chemin du récit intimiste, beaucoup traité depuis quelques années. Un pari plutôt risqué car bâtir une histoire sur les sentiments humains, avec pour matière principale les psychologies, est plutôt « casse-gueule ». Et ce que je peux dire, c’est que l’auteur de Titeuf s’en sort brillamment. Son histoire est remarquable de justesse, à aucun moment ses personnages ne vont trop loin, si bien qu’on a le sentiment qu’il connait intimement chacun d’eux. Non seulement ils sont vrais individuellement, mais en plus, ils fonctionnent parfaitement les uns avec les autres, le groupe est très équilibré et là encore on y croit dur comme fer. A maintenant  45 ans passé, Zep a atteint l’âge de maturité, il nous prouve qu’il possède une vraie maîtrise des sentiments, une vraie sensibilité ainsi qu’un sens aigu des relations humaines.

L’album m’a fait pensé à Petites éclipses de Jim paru il y a quelques années chez Casterman Ecriture. Mais avec beaucoup plus de mesure chez Zep quand Jim partait dans une surenchère de sentiment qui minimisait l’impact de son propos.

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En ce qui concerne le dessin, le « nouveau » style de Zep, sert relativement bien son histoire. On y retrouve, en filigrane, la rondeur de lignes qu’on lui connait déjà. Il y a vraiment un joli travail sur les ambiances pour lesquelles il prend le parti de la monochromie, l’alternance des couleurs servant à renforcer l’intensité dramatique de chaque séquence. Mais la bonne idée peut parfois précipiter la maladresse. En effet, la succession des séquences n’est pas toujours très marquée et il faut parfois quelques cases pour reprendre le fil de l’histoire.
D’autant plus que, si ses personnages sont bien définis psychologiquement, cela est beaucoup moins vrai physiquement. De manière générale, alors que son dessin stylisé lui permet aisément d’individualiser ses personnages dans Titeuf, on le sent beaucoup moins à l’aise avec ça dans ce style réaliste. Et ceci est à mon avis encore plus vrai avec les personnages féminins qui ont  des traits vraiment très proches.
Rien de bien méchant néanmoins, les ressors de l’histoire étant tout de même plutôt linéaire.

Un Zep rock d’accord, mais résolument nouveau. Un Zep qui n’a rien à prouver sur sa maîtrise du genre intimiste mais dont le style réaliste nécessite encore quelques ajustements pour encore plus d’impact. Un Zep que j’aimerai maintenant voir transformer l’essai avec un autre album de cette tenue mais sur un sujet peut-être un peu moins personnel.